Tous les poèmes publiés en 2018
2018 Semaine 52
FAÎTE DES SENS
tu pointes tes aigus
tu régules mes flux
à chaque seconde
je change de monde
rien de superflu
aucun point en x
mon échine en cible
pile au creux des reins
tu combles mes cavités
tu surfes mes vallées
rien d’anormal
d’anticlinal en synclinal
de strates en rebonds
de l’écho
de mon son
rien de grave
juste une onde
un émoi
toi
~~~~~~
2018 Semaine 51
EMBROCATION FLUVIALE
elle vivait sous le pont
sans famille et sans clan
son regard tout en rond
imperméable au temps
sereine
comme l’eau qui passait
sans jamais s’arrêter
elle y voyait les jours
écoulement
telles les gouttes
dans le courant
identiques
et pourtant
différents
un
un
un
un compte non fini
qui racontait sa vie
en courant d’émotions
coulant en rémission
un conte sans réaction
pour trouver le demain
effacer les chagrins
un affluent des riens
qui ruisselle sans fin
~~~~~~
2018 Semaine 50
1942 UNE NUIT À OSWIECIM
gris
elle regardait le brouillard
à travers les carreaux
sur la buée
elle fit un dessin
elle regardait les carreaux
miroir de ses yeux
chagrins
elle regardait son sein
et l'enfant
assoupi
elle regardait l'enfant
et pleurait
à demi
elle regardait l'enfant
lui contait la fée
elle lui la nuit elle
elle lui leur enfant
elle sentait ses boucles clairsemées
elle sentait la colombe blessée
elle sentait l'anémone fanée
elle sentait l'odeur noire
de la fée
elle sentait sur sa joue
perler
une larme de brume
ensorcelée
elle regardait le brouillard
se dissiper
les étoiles millénaires briller
elle ne put
celle de David
distinguer
elle sut alors
qu'il ne reviendrait
jamais
~~~~~~
2018 Semaine 49
OMBRE DÉPORTÉE
dans l'épi de la vie
j'aime ton grain de folie
ce sentier découvert
que tu prends à l'envers
sans clôture et sans murs
droit sur tes amours
tes mèches aspirent le vent
il te suit en amant
et quand le soleil plonge
à l'ombre un peu pliée
c'est mon cœur qui s'allonge
à tes pieds prosterné
~~~~~~
2018 Semaine 48
FOYER
tu as le goût de l'amour
tu décolères les chagrins
tu vises les alentours
et autrui sur son chemin
ils marchent depuis des jours
ils cherchent le pain
ils cherchent la main
tu les prends dans ton sein
bouleversant tes voisins
ces marchands de pire
qui dans leurs délires
serrent leurs trésors
pour dorer
leur futur mort
tu as l'appétit de l'amour
l'évangile du cœur
la profession de soie
pour donner la douceur
l'humanité
réfléchie
en pansant
les malheurs
~~~~~~
2018 Semaine 47
ONZIÈME ARRONDISSEMENT
comme un pavé d'une vieille cour
je regarde les fenêtres
comme le regard d'un sourd
j'ai l'air de connaître
taillé par la vie
érodé
au fil des passages
j'apprends d'autrui
voyeurs ou bien sages
j'en garde l'image
par leurs yeux déformée
par leurs pieds patinée
argentée lessivée
en sépia de leurs pas
gens ronds gens carrés
sagement rangés
là
comme les pavés
d'une vieille cour
~~~~~~
2018 Semaine 46
CIEL DE LIT
quand tu baisses le voile
je rallume les étoiles
quand vient la fin du jour
je te roule en amour
brillent tes yeux foncés
en lueurs déclarées
je te peins sur ma toile
en traits qui te dévoilent
je t'étire la bouche
en fines et tendres touches
~~~~~~
2018 Semaine 45
EXHALE ACTION
mobile
incrédule
tout se joue sur son fil
c’est éthéré c’est volatile
entourée par le vide elle est funambule
du matin jusqu’au crépuscule
elle traverse dangers et périls
on la dit floue
on la traite d’indocile
elle flotte insignifiante
minuscule
les gens jettent sur elle
un œil incrédule
sa vie se joue
de face
ou pile
ils ne saisissent pas son mobile
bées
leurs bouches
à se luxer les mandibules
évaporée
en univers
poussières
elle se démantibule
~~~~~~
2018 Semaine 44
ANASTASIA
je compte mille et une nuits
les draps s'évadent dans leurs plis
ton odeur sur ma peau
l'image de ton dos
je compte les orteils
ils étaient vingt hier
au pied du lit
dix sont partis
devant
sans dire un mot
silence
glacé
effroi
sans voix
je ne peux dire toi
à jamais tu t'es tue
les draps sont froids
se referment mes pores
le temps s’écoule encore
après la mort
je compte
mille et un jours
pour toi
transis
comme s’effeuillent
les bouleaux
de Sibérie
~~~~~~
2018 Semaine 43
LAVIS
comme un pinceau japonais
je rêve le voir
j'évapore le vrai
noir
et sur ce lac gelé
j'avance sans pointiller
c'est la nuit boréale
cric crac
se fendille la glace
s'éternise le blanc
s'étire sûr le trait
ils nous noient
dans l'espace
comme un pinceau japonais
~~~~~~
2018 Semaine 42
DÉVORATION
sous le pont de ta vie
coule un ru de sang
sous le son de tes cris
percent crus tes amants
mante tentatrice
nonne maléfique
tu remontes des veines
tu suis le courant
sans remords et sans peine
sans jamais courte haleine
tu tagues d'un trait sûr
sur les digues et les murs
en dégradé roussâtre
l'âme des bellâtres
~~~~~~
2018 Semaine 41
L'ÉCORCHÉ DE LA FORÊT
à pic intuitif
bête de hêtre
tu piques
l’écorce
curiosité
en complice
je me glisse
par l'orifice
anfractuosité
dans tes yeux
dans tes nœuds
je pleure
écorché vif
canif
dans tes cernes
je plonge
à fond
dans ton tronc
dans ton cœur
et tu guéris
mes malheurs
~~~~~~
2018 Semaine 40
ENCRE SYMPATHIQUE
je divague
à pas lents de ma rage
je traîne ma vue basse
je traîne mes godasses
et mes pieds décalés
laissent des zigs de pas
des zags de traces
je cherche mon futur
sous la plante des pieds
là au bord du rivage
ces marques fugaces
me consignent de saborder
en bipède
désancré
que le passé
par le ressac
effacé
meure à jamais
~~~~~~
2018 Semaine 39
HERMÉNEUTIQUE ET TOCS
ivre de livres
synapses en délires
âme en action
univers expansion
chasser la vouivre
le cachet qui délivre
de son corps
dépossession
douce
transgression
explosion
ignition
le feu
aux yeux
monte
monde
merveilleux
couché
sur le papier
flou
fou
mots à lier
prendre le pied
tourner la page
~~~~~~
2018 Semaine 38 (2)
ELLE A RÊVÉ DE TORNADO
sous les étoiles
point de carrosse
juste une rosse
à traits étirés
à pas forcés
étique torse
à bout de force
dans un souffle
elle se gonfle
soudain
face aux moulins
face au destin
moi Rossinante
belle plante
belligérante
je pense à toi
mon cheval roi
en z cabré
par ton copain masqué
je serais ton amante
tu serais mon héros
là sur mon dos
mon bien aimé
tu me monterais
jusqu'à San Diego
~~~~~~
2018 Semaine 38 (1)
BOUCHE BÉE AVEC UN GRAND B
une volonté de fer
des épaules à l’équerre
il ne manquait pas de toupet
fermeté infaillibilité
bouffi d’assurance
pointait la suffisance
toujours droit
le bon et la bonne foi
empli de confiance
certitude et contenance
fixé sur ses gonds
roide et d’aplomb
sculpté et viril
jamais ne se défile
mais le jour s’est levé
brume dissipée
nuages dispersés
il a commencé à douter
à chercher cet homme rêvé
vers le miroir il a marché
a vu son portrait
et est resté bouche bée
car de face comme de dos
nul Zorro c’était bien Bernardo
~~~~~~
2018 Semaine 37
POURRITURE
les raisins de la bergère
reflétaient la terre
l’odeur du fruit mûr
une pointe de pourriture
les raisins de la bergère
avaient un goût amer
elle en faisait sa nourriture
l’œil obscur
les raisins de la bergère
la transportaient naguère
quand elle parcourait les pâtures
robe légère et pas sûrs
les raisins de la bergère
agitaient les commères
quand ils jutaient sous la morsure
et giclaient en coulures
les raisins de la bergère
la transportaient naguère
quand un vigneron solitaire
sortit des jachères
la cloua par terre
et la fit fille-mère
~~~~~~
2018 Semaine 36
TOUT EST ART
assis là sur ton banc
sous le chêne
tu regardes passer les glands
tu laisses filer les ans le temps les gens
et la démence
rejoint tes compétences
ta paresse ta sagesse
pas de scrupules
parce que s’affaissent tes mandibules
aucun sens du ridicule
en caressant tes ridules
tu exposes
ta couperose
comme un flamant
sa guibolle
appuyé sur ta canne
le menton abaissé
le regard éclairé
tu mires ce mur joliment décrépi
tu souris
tu sais jouir chaque jour
de ton plus bel amour
la beauté des choses
~~~~~~
2018 Semaine 35 (2)
CHAVELA VARGAS & FRIDA KAHLO
Frida
aimante
tu te donnes
nature
ardente
tu couronnes
en peinture
presque
fresque
en arc
coloré
en ciel paradisiaque
presque
sans genre
pour tous genres
comme une vague
de fleurs
déguisée
en halo
irisé
en tableau
de femme
en flammes
déjà
éclairée
~~~~~~
2018 Semaine 35 (1)
J'AURAI TA PEAU
Marcel tu es beau
je veux être ton tricot de peau
ton maillot de corps
boire à tes pores
coller à ton dos
épouser tes pectoraux
sécher tes transes
et me griser
d'être
ton éminence
~~~~~~
2018 Semaine 34 (2)
CARRIÈRE
toute sa vie durant
il voulut être plus grand que les grands
il affûtait ses dagues et ses dents
rayant le parquet en marchant
de se poser il n'avait pas le temps
seul une fois l'an au jour de l'an
un séjour tambour battant à Durban
pour approcher le requin blanc
c'est justement en rentrant
qu'il est tombé sur le flan
un caillot remontant
un cœur dysfonctionnant
ses faux-amis portés absents
sur Facebook passaient le temps
ils n'aimaient que les gagnants
peu d'intérêt pour les mourants
à son vieux père en geignant
il souffla murmurant
je veux être le dirigeant
du cimetière des éléphants
~~~~~~
2018 Semaine 34 (1)
PHOTOGRAMME
est-ce noir est-ce blanc
est-ce chicot est-ce dent
est-ce l’envers du décor
ou d’Ingres le violon de ton corps
des ronds des courbes et des carrés
mon dada c'est Man Ray
~~~~~~
2018 Semaine 33
STYX
dans cette rivière
de bas étiage
je suis île
granitique
et dans ma courbure
angélique
tu as tracé une croix
tu as marqué au fer rouge
sang
pour goutter
l'enfer
dans cette rivière
de bas étiage
en volutes aquatiques
coule le flot de tes pleurs plasmatiques
qui glissent
arrachent
ma silice
me laissent
tes peines
qui se posent
comme des roses
en pétales
sur ma pierre
tombale
~~~~~~
2018 Semaine 32
LE ZYGOTE QUI GIGOTE
pas plus gros que d’un lapin une crotte
je nichais bien au chaud dans ma grotte
j’entrais en trance quand de ses fréquences
je jouissais
des vibrations
la sensation
comme une vague de liquide amniotique
son oscillation en action
ces sons hautement génétiques
au sein du bassin de ma génitrice
poussaient en plongée frénétique
des modulations phonétiques
et au fond de l’utérus mon repaire
comme un la
en diapason
là
tout au fond
mon père
~~~~~~
2018 Semaine 31
SYMPATHIE POUR LE DIABLE
dans cette ville où la vie est facile
les édiles serviles et séniles
passent Odile sur le gril
de ses concitoyens elle met la vie en péril
a-t-elle d’une terroriste le vil profil
non pire disent-ils en fronçant les sourcils
pire que de lâcher familles de crocodiles
elle accueille gaiement des migrants en exil
~~~~~~
2018 Semaine 30
COBALT
dans une odeur de galets roulés
sèche le sel de ta peau plissée
sur cette mouche au vol agacée
replies l'aisselle en dessins animés
poire au tégument grainé
je suce
ta courbe de bleu matissée
et de ma langue à la pointe effilée
tombe soleil
en nuit flambée
~~~~~~
2018 Semaine 29
LUNETTE
je marchais dans la rue
tout abattu
à Marseille j’avais perdu mes lunettes
dans un restaurant turc
sans doute aux toilettes
c’est un drôle de truc
car assis sur la lunette
j’avais pensé
en coup de vent
ça fait belle lurette
qu’il n’y a plus de ces cuvettes
et que stupidement
souvent
on qualifiait d’ottoman
un trou
sans abattant
sans mes lunettes
tout abattu
je marchais dans la rue
~~~~~~
2018 Semaine 28
PARTICULE
sur cette dune dorée
où je ne sais nager
par le sable emporté
et le temps qui a passé
je suis le bleu liquéfié
de ce ciel échappé
~~~~~~
2018 Semaine 27
DÉLUGE
cette senteur de terre mouillée
rend mon cerveau
ADN brouillé
dans cette hélice séquencée
je dévisse
condamné
l'épithélium exacerbé
me dit le temps ma bien aimée
où sous cet orage
sonné
tu as choisi de me quitter
~~~~~~
2018 Semaine 26
TRANSCENDANTAL
je suis l'âme du temps
je ne cesse de courir
je respire
le temps d'un soupir
je comprends l'incompressible
je suis au-delà
du perceptible
des années-lumière je suis de vous
je suis un fantôme au sexe flou
parfois je ne tourne pas rond
pour temps rythmé à la perfection
mais laissez-moi une seconde
et je sonne
la fin du monde
~~~~~~
2018 Semaine 25
HAUT MAGE
souriant
un mage
sans âge
blanc pelage
sage
divague
sur le rivage
il bulle
de vague
en vague
écume
éclate
saque
le sage
qui zigzague
puis s'étend
face au vent
indolent
tire-au-flanc
la ficelle
de la houle
se déroule
et le mage
de plume
en plumage
cerf-volant
s'envolant
en suivant
ce rai blanc
de la Lune
~~~~~~
2018 Semaine 24 (2)
FOUTA-DJALON
mouille la pierre
tache éphémère
goût de silex
teint de cortex
en gri-gri austère
cou cou tu serres
blanc mes artères
pupilles à l'envers
vers le linceul
sans frères peuls
je me détends
sur le champ
en sédiments
~~~~~~
2018 Semaine 24 (1)
TROP BEAU
tu n'as pas ton pareil
dès le réveil
pour m'oindre de miel
pirater mon logiciel
guider mon appareil
et m'envoyer surfer les arcs-en-ciel
pourtant je sens
résolument
que tu me mens
en me faisant
des serments
à tout bout de champ
tu m'envoies péché véniel
en effusions torrentielles
mais tes mensonges en kyrielle
et ton aspect immortel
me rappellent que la veille
j'ai loué une intelligence artificielle
~~~~~~
2018 Semaine 23
HUMUS EJACULATUS
le ciel se dégrade en mille gris
l’écorce se fripe en autant de plis
allongé dans les feuilles mouillées
mon regard humidifié
par cet arbre au tronc décharné
ses branches nues sculptées
par un artiste transcendé
je dissèque en contre plongée
ces rameaux morts secs et noueux
alors doucement au coin de mes yeux
monte une sève lacrymale
en énergie germinale
~~~~~~
2018 Semaine 22
NAÏF
je fredonnais dans la basse-cour
ma mélodie s'est mise à voler
moi je marchais comme un poussin du jour
je ne pus donc la rattraper
je voulus en parler à mes copains les vers
qui dans la terre se marraient
je trouvais un peu inique
l’humour tordu des lombrics
je croyais qu’ils aimaient mes chansonnettes
alors pour en avoir le cœur net
avec mes pattes j’ai fait des pieds avec mon bec j’ai fait des vers
~~~~~~
2018 Semaine 21
PRIÈRE
la société se gangrène
les messies ont semé la graine
les religions font banquet en scène
et de l'Autre répandent la haine
voile création procréation élucubrations
honnies soient les allégations
on perd l'âge de la raison
les Lumières sont éteintes au Panthéon
signons notre croisée des chemins
laissons celui de la croisade aux pantins
choisissons notre destin
croyons en l'humain
~~~~~~
2018 Semaine 20
SPACIO-TEMPOREL
j’aimerais tant peindre le temps
avec un paysage ou un banc
une nature morte le contour d’une porte
un vase un bol une comporte
à chaque seconde un petit tremblement
imperceptible frissonnement du temps
ce je ne sais quoi ce presque rien
qui doucement destine vers la fin
ce qui fait ma douce amie
qu’autour des fleurs mon vase peint a flétri
~~~~~~
2018 Semaine 19
ET RON ET RON
pour tout l’or du monde
je ne quitterais la ronde
je me sens voie lactée
dans ce nuage lové
du noyau à l’électron
tout tourne en rond
et moi fœtus girond
au cœur de ton bidon
petit patapon
~~~~~~
2018 Semaine 18 (2)
HYPNOSE
démocratie on oublie
peuple soumis
plébiscite licite
république inique
élection piège ah bon
et benêts sans citron
font monarques énarques
et plèbe joujou dans son parc
~~~~~~
2018 Semaine 18 (1)
SENS
à l'abri du jour
j'aime ta peau de velours
j'en fait doucement le contour
dans un sens puis à rebours
je n'ai pas besoin de discours
seuls mes doigts longent tes atours
et te disent tout mon amour
~~~~~~
2018 Semaine 17
AIR
on le voyait sur son visage
épanoui à peindre les nuages
du blanc évanescent
jusqu'à l'effacement
par son pinceau rêveur
il aspirait le bonheur
~~~~~~
2018 Semaine 16 (4)
À DEUX DOIGTS
je lui ai redit
mardi
je suis prise
alors ce fut la crise
querelles querelles
trop de querelles
me coupe les ailes
encore un sale type
qui me sort les tripes
la crasse est abyssale
chez les humains sales
je le mets à l'index
rongé comme un ex
~~~~~~
2018 Semaine 16 (3)
MAMIE
dans ses yeux brillait la malice
quoiqu’humble et effacée
elle me tira du précipice
dedans les casseroles qui frémissent
dehors de Californie les pavots plantés
et puis douceurs guimauves réglisses
je pleurais ma mère à l’office
trop tôt veuve par le travail happée
devait-on alors quérir nourrice
non ma grand-mère quel délice
m’a tant choyé et tant aimé
que vivre sans elle fut un supplice
~~~~~~
2018 Semaine 16 (2)
AMOUR VACHE
t'as la tête de l'hippo du zoo
t'es vraiment très très gros
comme une statue de Botero
t'es plus large que le frigo
je ne sais pas si c'est du gras
mais tu ressembles à un gros tas
à une truie qu'a pas mis bas
un bibendum un truc comme ça
tu passes pas dans le couloir
tu laisses partout des traces de lard
petit déjà t'étais poupard
ta mère te gavait comme un canard
pour le régime t'as toujours un alibi
on voit pas tes yeux derrière tes plis
il a fallu changer deux fois de lit
à bouffer tu passes ta vie
mince chérie c'est la Saint-Valentin
ces mots tendres me remplissent de bonheur
j'apprécie tes attentions et ton bon cœur
mais pour l'amour
depuis toujours
je reste sur ma faim
~~~~~~
2018 Semaine 16 (1)
JEAN SUIT
la part des anges s’évaporait
l’alcool s’en allait
sur le bois coulait une larme
du chêne plein de charme
du bois pas neuf
du vin sans bluff
veuf le vigneron
ânonnait son nom
Marie-Ange Marie-Ange
tu voles avec les anges
un air frais dans la cave
l’odeur est suave
je laisse la vendange tardive
en vapeur je dérive
je pars en éther étrange
je te suis
je suis la part des anges
~~~~~~
2018 Semaine 15 (2)
HALO
ma gitane fume du chanvre
elle aime de la fumée répandre
fumée bleue du Guadalquivir
l’œillet rouge lui va à ravir
elle approche du calife
ce mahométan chétif
pour lui seigneur elle a le béguin
s’enflamment tambours et buccins
la fleur fragile est à ses pieds
de guerre alors l’armée est sur son pied
voilà qu’une mozarabe catin
sans épée sans ors fins
a le pouvoir soudain
de briser le prince d’airain
sans pièces sonnantes sans flouze
la voilà reine d’Al Andalus
chrétiens juifs et musulmans tous inspirés
déterrèrent fumant le calumet de la paix
~~~~~~
2018 Semaine 15 (1)
PARTIR
elle était figée
desséchée
toujours
sans amour
elle restait
désabusée
de sable teintée
de gris irisée
pétrifiée
pâle figure
couleur de mur
derrière sa porte
une morte
nature
une ombre
sombre
vers la tombe
~~~~~~
2018 Semaine 14 (3)
REDDITION
une amie à ma mie
m’a dit qu’à midi
elle verrait Hervé
elle en avait rêvé
elle fut ravie
quand elle le revit
pour sa promise
il avait tout misé sur sa mise
beau comme un apollon
aplomb et cheveux blonds longs
il n’attendrait pas demain
pour demander sa main
et quand il a ouï oui
oui il fut le plus épanoui
des bègues aimants
~~~~~~
2018 Semaine 14 (2)
Y’A UN OS
je suis tout cabossé
j'ai plus envie de bosser
j'ai les mains calleuses
et la lippe baveuse
ma hache est rouillée
mon couteau élimé
j'ai quasiment plus de dents
je crois que j'ai fait mon temps
en plus ça devient très mal vu
des gens comme moi y en a plus
je suis obligé de sortir la nuit
pour ne pas avoir d'ennuis
et la force me manque parfois
pour trouver de nouvelles proies
ce n'est pas pour les vendre je ne suis pas vénal
c'est juste que par tradition familiale je suis cannibale
~~~~~~
2018 Semaine 14 (1)
COUPER COURT
c'est si beau les beaux souliers
c'est si laid les bas filés
c'est si beau les jambes effilées
c'est si laid les pieds palmés
c'est si beau la peau épilée
c'est si laid l'ongle incarné
moi tout ça me fait une belle jambe
c'est un air de pipeau ou de gambe
je suis très bien dans mes pénates
même si la vie m'a faite cul-de-jatte
~~~~~~
2018 Semaine 13
BOUT DE VOYAGE
je m'appelais Ferdinand Lalande
rangé connu expert-comptable
une belle épouse une vie stable
dans le garage cossue une allemande
deux gais et blonds enfants
sur le sofa un jeune labrador
à mon poignet la montre en or
et très très blanches toutes mes dents
c'est un mardi que tout bascula
quand elle me dit bonjour monsieur
mais Thérèse c'est moi nom de Dieu
ton mari Ferdinand je suis là
désolé mon mari s'appelle Louis
et en Afrique il est parti
ne souffrez-vous pas de folie
mais non ma mie d'un air réjoui
dressé sur la coiffeuse en noyer
je vis là de notre mariage le portrait
j'étais perdu j'étais chamboulé
sur le point de m'écrouler
soudain j'aperçus ce beau miroir
j'y tenais il venait de ma mère
je m'approchai et tonnerre
dans ma tête vint le noir
un être en oripeaux en réflexion
une grise silhouette étique
couverte de poux couverte de tiques
de cauchemar une vision
bah firent en chœur les enfants
maman qui est ce monsieur
voyez-vous c'est un nécessiteux
qui vit dehors par tous les temps
je ne comprenais plus je ne comprenais rien
je me savais fragile derrière mes dorures
mais si vite finir dans les ordures
était-ce le sort de Louis ou était-ce le mien
~~~~~~
2018 Semaine 12 (3)
DULCINÉE
j'ai tout oublié sauf de te trouver
je suis le Don Quichotte de tes atours
je chevauche ou bien j'en ai rêvé
derrière ces collines il y a l'amour
~~~~~~
2018 Semaine 12 (2)
BONNE PENTE
ah quel délice
que la glisse
avec son complice
sur le dos
ou sur les fesses
un vrai cadeau
je le confesse
la luge à deux
y a rien de mieux
~~~~~~
2018 Semaine 12 (1)
DIVINATION
j'ai lu dans les planètes de tes yeux
que tous les deux nous mourrions vieux
que je pourrais pendant de longues lunes
tremper dans ton amour ma plume
~~~~~~
2018 Semaine 11 (3)
DÉROUTE 66
tel un motel
où je dormais sans elle
l'enseigne scintillait
j'étais défoncé
l'air froid sous la porte
et sous le lit des cloportes
tel un motel
où je dormais sans elle
tout cela me dégoûte
et la douche qui goutte à goutte
la poussière de la moquette
et les draps pas très nets
tel un motel
où je dormais sans elle
j'étais fini
complètement démoli
comme bientôt ce motel
où je dormais sans elle
~~~~~~
2018 Semaine 11 (2)
FAUT PAS POUSSER
avec toi Pascal
depuis le début c'est bancal
ça tourne pas rond dans ton cerveau
à coup sûr t'as des grumeaux
tu perds souvent les pédales
et tes colères sont pas banales
tu fumes dans les cabinets
et en plus t'es souvent aviné
je suis épuisée de vivre à tes côtés
c'est pas la peine de baratiner
je sais ça paraît bizarre de parler à ton portrait
on va dire que je suis folle ça c'est juré
qu'à haute voix parler toute seule c'est pas banal
mais comment faire hier je t'ai jeté dans le canal
~~~~~~
2018 Semaine 11 (1)
ROOM SERVICE
tu m'as encore dit va te faire voir chez les grecs
alors derechef on a fait un break
j'avais la tête bien à l'envers
et l'envie de me mettre au vert
il fallait que cette histoire finisse
et qu'une autre commence à l'Ibis
c'était au bord du périph
elle était femme mais c’était pas définitif
quand on a eu fini elle m'a même bordé
puis elle a quitté la chambre en me piquant le dernier Beigbeder
j'ai dormi comme une marmotte alpine
avec trois douzaines de benzodiazépine
j'ai fait une foule de rêves coquins
jusqu'au surlendemain matin
la serveuse est entrée car le petit-déjeuner était froid
moi aussi
~~~~~~
2018 Semaine 10 (3)
DÉGUEULASSE ?
tes mots m’ensorcellent
tu parles et tu es belle
venir t’écouter
sans arrière-pensées
se laisser bercer
par ta douce mélopée
c’est certain j’ai la foi
dans tes vers je me noie
il n’y a rien de plus beau
que le flot de tes mots
je m’étends
lentement sur le divan
et doucement me voilà
face à toi bras en croix
tel une montre de Dalí
je glisse au pied du lit
roulé sur tes pantoufles
je ronfle à bout de souffle
~~~~~~
2018 Semaine 10 (2)
CETTE ANNÉE LÀ
tu es belle Myriam
quand tu te pâmes
comme du Dubonnet une réclame
le quinquina m’enflamme
pousse-toi donc deux secondes
ma belle rousse gironde
que je voie cette enseigne
avant qu’elle ne s’éteigne
tu vois mon gros têtard
depuis que j’ai vu le dernier Godard
une femme est une femme je crois
y a que d’ce vin là que je bois
c’est sûr t’es pas Anna Karina
mais bon avec deux verres ma foi
si tu m’fais un beau sourire
je lâche tout et je prends un Byrrh
~~~~~~
2018 Semaine 10 (1)
RÉALITÉ AUGMENTÉE
je sais tout de la mère de Jodorowsky
elle a un timbre de voix exquis
elle a des seins très gros
on a envie de se mettre au chaud
elle a un sourire qui vous fait la peau
mourir pour elle rien de plus beau
j'aime quand elle chante jusqu'à la nuit
sans fin pour lui une poésie
se réchauffer près de son cœur
pour ne plus jamais avoir peur
est-ce la danse de la réalité
ou de mon masque la vanité
quoi qu'il en soit quand il s'en est allé
sur le quai elle a beaucoup pleuré
Alejandro était parti
pour une célébrité infinie
elle pensait avoir un chagrin à jamais
sauf qu'en douce son fils j'ai remplacé
et dans son giron lové
du pape j'étais le moutardier
~~~~~~
2018 Semaine 9 (3)
IL LUI A DIT
ta haine est patente
ton teint se grise
s’accentuent tes valises
ta grimace est méchante
ta lippe exubérante
je n’ai plus de prise
le recul est de mise
beuglante et collante
tu n’es guère attachante
enfin je réalise
qu’il faut que je le dise
j’ai vraiment fait mon temps
auprès de toi maman
~~~~~~
2018 Semaine 9 (2)
REPAS JOYEUX
McDonald c’est mon vrai nom
j’habite une rue sombre
où s’accumulent poubelles et décombres
près de Camden Market c’est à London
dès le matin les odeurs sont infâmes
ça agresse le nez ça coupe l’appétit
au secours j’habite près d’une sortie
d’un célèbre resto dont le monde se pâme
ça sent la frite et le graillon
ça vous retourne l’estomac
du McDo je n’en veux pas
dis-je de la bouche d’aération
~~~~~~
2018 Semaine 9 (1)
URGENCE
arrachent le cœur de tes entrailles
pendant que ton cerveau déraille
que font ces hommes tout en blanc
ils te volent l’argent ils te volent le temps
récitant blêmes leurs grands principes
une blouse rien tout juste un slip
tu es là patient d’entre les patients
mais faites vite je n’ai plus le temps
~~~~~~
2018 Semaine 8 (4)
ANÉANTI
dans ce train
tu n'es rien
raflé ce matin
faux arien
pas pâle de teint
bon à rien
dans ce train
pâle matin froid et faim
juif vauclusien
tu n'es rien
dans ce train
qui roule vers ta fin
~~~~~~
2018 Semaine 8 (3)
SENTEURS
labyrinthe floral
inextricable dédale
dans ce jardin de Grenade
le temps s’écoule
loin de la foule
bercé par cette sérénade
je hume les boutons
je pense à tes tétons
~~~~~~
2018 Semaine 8 (2)
NÉO IRRÉALISME
perdu dans la Brie j'attends le bus
je regarde au loin derrrière la dune
en admirant la lune
égarée dans ma tête
c’est le vide sous ma casquette
au gré de mes lacunes
j’erre de commune en commune
par inadvertance voilà Provins
on me parle mais aucun mot ne me vient
est-ce une amnésie
une paralysie
non Alzheimer qui me gagne
bientôt chaque pas sera une montagne
ce ne sera pas beau ce sera misérable
je serai à jamais insortable
je vais prendre mon sort en main
prendre la route dès demain
en partant décidé au galop
à moi la vie année zéro
perdu dans l'abri j'attends le bus
~~~~~~
2018 Semaine 8 (1)
PLAN A PLAN B
la Loire est sale
coulent les alluvions
déchirent le ciel les avions
prions d’ici les vestales
pour qu’aucun ne se plante
et brise le cœur de Nantes
~~~~~~
2018 Semaine 7 (3)
ÉTERNITÉ
Noura ma tête posée sur tes seins
je pense au jour qui vient
tes poumons qui râlent
et cette toux presque animale
vas-tu partir
vas-tu mourir
t’éteindre dans un cercueil de cèdre
j'ai peur de te perdre
je ne peux le temps suspendre
mais je suis prêt à t'attendre
alors sur ta peau j'ai dessiné
un scarabée vert et doré
je resterai à ses côtés
car lui ne meurt jamais
et tous les deux nous formerons
le ferment de ta résurrection
~~~~~~
2018 Semaine 7 (2)
ROC HAUT
statique stalagmite
raide comme une bite
tu rêves de monter jusqu'au ciel
mais tu es moins rapide qu'un diesel
les réactions chimiques
te font solide ionique
chaque goutte gonfle ton calcaire géant
mais c'est cinq centimètres tous les cent ans
à ce rythme là
tu vas te ruiner en viagra
~~~~~~
2018 Semaine 7 (1)
LÂCHER
quelle est cette infamie
que trahir un ami
ne pas répondre présent
le laisser sur le flan
se dégoûter soi-même
à s’arracher les veines
partir ou revenir
écouter son désir
salut à la prochaine
quitter couard la scène
~~~~~~
2018 Semaine 6 (2)
INTERNE
dans cet orphelinat je devais rester six mois
mais aucune famille n'a voulu de moi
j'en ai quand même vu trente-trois
mais je voyais de suite que je les laissais de bois
faut dire j'ai un sacré caillou
je suis moins ange que voyou
mais maintenant je suis pas mal du tout
dans ce petit monde j'ai fait mon trou
c'est à la cantine que c'est vraiment super
je suis le cador et trois fois je me sers
pour les autres je suis le grand frère
quand ils gueulent je sais les faire taire
je me sens fier sûr de moi ici c'est moi le roi
je leur raconte des boniments et tout le monde me croit
je leur dis que c'est nul quand pour eux une famille fait le choix
et même je souris alors que c'est du noir que je broie
~~~~~~
2018 Semaine 6 (1)
ELLE ME DIT
pour une main aux fesses un propos déplacé
ne pas passer aux oubliettes mais se révolter
ne pas répondre par un sourire mais de bois vert une volée
il faut qu'à jamais les femmes soient respectées
ne pas se plier aux dogmes et aux supposés péchés
la pomme depuis longtemps est gâtée
et toutes les églises ont intérêt à remiser
toutes les couleuvres ou les serpents à avaler
il faut toutes en tous lieux se mobiliser
et s'il le faut à coups de hache trancher
pour ne plus que par un grand H hommes et femmes soient nommés
pour qu'en toute liberté il y ait pour la Femme la pleine égalité
~~~~~~
2018 Semaine 5 (2)
ENVOLE-TOI
je l’admirais à travers les persiennes
par tous les temps je la mirais
fût-elle vêtue d’un short ou d’une canadienne
mon regard à travers les nuages un rai
elle marchait droit la tête haute
je n’osais sortir de ma cachette
tous les jours tapi dans ma grotte
je frissonnais de la peau j’explosais dans la tête
quand oserais-je m’extirper
de cette timidité de cette gangue
ne serait-ce que la saluer
et doucement prendre langue
pourrais-je comme la chrysalide
me transformer en papillon
ou la peur de prendre un bide
me laissera dans mon cocon comme un couillon
~~~~~~
2018 Semaine 5 (1)
COUCOU
ce jeudi là je rentrais du collège
ma grand-mère jouait au piano d’Aquarium les arpèges
à la fin du Carnaval des animaux
elle s’est mise à glousser comme une perdrix
mon grand-père aux grandes oreilles a barri
c’est alors que ma mère est sortie de la cuisine en stridulant
et que mon père la suivait en croassant
j’avais envie de me mêler à ce monde de fous
mais j’ai juste fait un coucou
car pour demain j’avais du boulot
d’Orwell je devais lire La ferme des animaux
~~~~~~
2018 Semaine 4 (2)
CANTATE
touche pas son piano touche pas ses lunettes
rien de plus beau dans ma vie que ses airs dans ma tête
la longue dame brune accompagne mes fortunes
elle glisse sous ma peau depuis de longues lunes
mélancolie de mes jours quand je suis entrain
ses mots me rendent vie quand je suis chagrin
et si à la mort j'abandonne mon corps
je sais qu'avec elle le jour se lève encore
~~~~~~
2018 Semaine 4 (1)
CHAIR LIBERTÉ
fourmi sort de son trou
de liberté elle a le goût
tirer porter ramper
misérable destinée
servir cette dite reine
misérable déveine
se tapir par millier
sans jamais dévier
aguicher le grillon
toutes nous en rêvons
s’émanciper pour un soir
lisser ses antennes
soigner sa dégaine
se trouver belle face au miroir
miam dit le tamanoir !
~~~~~~
2018 Semaine 3
HUMEUR
vésicule biliaire
tu craches ta matière
la haine de tes congénères
te fait bouillir comme un cratère
ta rancœur et ta colère
d'humeurs te désespèrent
fiel temps sont nécessaires
des années avant que tu ne digères
l’acharnement de tes pairs
~~~~~~
2018 Semaine 2
AQUA
perle de pluie
goutte de vie
sans dessous dessus
te voilà nue
coule aux creux de tes reins
coule entre tes seins
ta nuque mouillée
poule de chair excitée
tu souris à la pluie
tu souris à la vie
~~~~~~
2018 Semaine 1 (2)
PROFOND DÉSAMOUR
entouré de vers
dans le jus je macère
je suis six pieds sous terre
dans ce terrain en dévers
un beau cimetière
et sur moi on a posé une pierre
avec une épitaphe dont je suis très fier
il a vécu quatre-vingts ans pépère
il a fait suer la terre entière
il a même échappé à la guerre
et c’est avec joie qu’on l’enterre
~~~~~~
2018 Semaine 1 (1)
PUR JUS
je bine le citronnier
c’est trop niais ce petit tronc
pas si rond au fond
moins haut qu’un palmier
moins liège qu’un bouchon
il fait des fruits allongés
pas foutu de faire un rond
je fais le tour de son pied
et je réalise au fond
que rien ne sert de se presser